lundi 16 avril 2018

Nous on veut pas dubliner

   Déjà, ce matin, alors que le réveil a recommencé ses tortures, j'apprends par texto que mon lieu de travail est contre l'attente de certains de nouveau bloqué sévèrement par de jeunes grévistes déter' que je salue ici bien bas. J'en profite pour relayer l'appel du Mouvement Inter Maternelles Indépendant, un peu tard malheureusement pour le rendez-vous de 6 heures...

   Quant aux pleureur(se)s nous couvrant de jérémiades depuis quinze jours, personnels aliénés pourtant les premiers à tirer au flanc en règle générale et à en foutre le moins possible, cadres administratifs zélés dans leur rôle d'application des basses œuvres de leurs supérieurs, étudiants affolés (mais ceux-ci, il faudrait leur expliquer) ou francs réacs, syndicats jaunes, je les invite dores et déjà à foncer chez l'épicemard et enfermer dans leurs placards fayots, lentilles, sardines et sauciflards !


   En attendant, nous, on essaye de se rendre utile, même si on n'est pas des foudres de guerre, c'est peut-être pour cela même qu'on prend des pseudos fantasmatiques et qu'on admire tant les boutefeux de sédition (à venir un post sur Durrutti d'ailleurs, enfin, si les évènements ne nous laissent que ces faibles passe-temps numériques sous la dent). Alors on est allé soutenir les exilés occupant les locaux de l'université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis depuis peut-être, oh ! oui, ça doit bien faire deux mois, a priori maintenant. Ils se sont rassemblés devant la préfecture de Bobigny pour demander leur réintégration dans dans l'espèce humaine puisque malheureusement, la moindre existence digne aujourd'hui est suspendue à la possession de papiers.






   Ils ont écrit au préfet le 8 avril pour demander un rendez-vous. Celui-ci a demandé à un stagiaire de leur répondre par une note de synthèse du cadre juridique des régularisations, toutes obligatoirement individuelles, sauf exception à laquelle il est suggéré aux exilés de ne pas rêver une seule seconde. La lettre est arrivée le 11 via la présidence de la fac. A la fin, une petit ligne invite les sautes frontières ayant traversé tant d'horreurs pour arriver jusqu'ici, à venir de leur plein gré se présenter pour être raccompagnés dans leur pays d'origine.





   Aux cris de Nous on veut des papiers, nous on veut pas dubliner !, de Descends, Pierre-André, nous refiler des papiers ! ou Des papiers pour tous les exilés ! (à peu de chose près et de mémoire), les réfugiés et leurs soutiens internationalistes ou simplement humains ont tenu quelques discours, traduits en arabe et en tigrinya, je crois (une langue d'Ethiopie). J'étais encore transporté d'admiration, moi qui depuis le collège n'ai cessé de rêver au bi, tri ou poli-linguisme, sans faire ce qu'il faut pour bien sûr, j'étais à l'époque muet et aller à l'étranger parler était pour moi qui ne communiquais déjà pas dans ma langue maternelle une gageure que les bistros et l'éthanol qu'on y consomme on contribué à me faire oublier. Moi qui, depuis, lit dans le texte et potasse toujours anglais et allemand en espérant un jour... qui me suis mis à l'Italien grâce à une Assimil trouvé chez George (mon ancien libraire)... De voir ces jeunes militants traduire du tigrinya en français et vice versa, pour des œuvres on ne plus utiles et fraternelles qui plus est, ça me rend malade de jalousie bienveillante. Ca me redonne envie de me mettre à l'arabe, cette magnifique deuxième langue de France, ou au japonais, langue d'un pays que j'ai souvent rencontré dans mes activités et relations. Dommage que George ait fermé, j'aurais bien pu trouver une Assimil de ces deux langues dans sa caverne...





   Bref, ensuite tout le petit rassemblement a voulu aller s'assurer au guichet de la préfecture que le sens de la lettre était bien une fin de non recevoir. Nous avons été arrêtés à l'entrée par les plantons un peu hallucinés, mais pas trop agressifs. Cette place s'appelle Jean Moulin. Il me semble que ce préfet est mort torturé par la police d'un régime dont le racisme d'Etat était la vertu cardinale. Un désobéissant, quoi. Bon, il y a eu Sétif dès mai 45, montrant une certaine continuité finalement, mais Moulin, lui, était déjà mort, on ne peut pas lui reprocher d'avoir cautionné cela. Donc, au vu du zèle de l'administration à appliquer strictement des lois et règlements déniant à certains êtres humains des droits supérieurs ou égaux à ceux d'un chien, et ordonnant à ses serviteurs de mener ces hommes-là à une mort quasi certaine en les "rapatriant", pourquoi ne pas rebaptiser cette place du nom de l'irréprochable fonctionnaire Adolf Eichmann, finalement ? A creuser.

Au centre, l’écœurant étendard du racisme d'Etat.


Cynique ironie.

   Après avoir raccompagné jusqu'à la fac deux collègues rencontrées là-bas (il y en avait une poignée), m'être faufilé jusqu'aux pénates des exilés pour leur refiler le sac de sucre, d'huiles et de sauce tomate que j'avais pris au U avant de partir (j'ai payé, je vous l'ai dit, je ne suis pas vraiment un héros...), je suis rentré bien ragaillardi par cette journée de solidarité, en me disant, peut-être contre toute évidence, que peut-être un changement va advenir, qui nous fera sortir de la brume... 


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